Dimanche dernier de 20 à 22 heures, les deux finalistes de l’actuelle élection présidentielle Malagasy se sont affrontés verbalement à la radio et à la télé, en présence de deux journalistes de la radiotélévision publique nationale (Rnm et Tvm), de représentants de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), des partisans des deux candidats et d’autres invités.


Le face à face n’a pas manqué de piquant. D’un côté, un Marc Ravalomanana qui ne cherchait plus à cacher les stigmates de ses 69 ans, la voix peinant parfois à se faire entendre, jouant d’un humour basé surtout sur son accent paysan qui plaît bien à ses partisans, hésitant parfois dans les efforts de mémoire. De l’autre un Andry Rajoelina dans la force de la jeunesse, à l’aise, un peu trop parfois, quelquefois goguenard ou railleur, rapide dans les reparties et montant une ou deux fois le ton comme pour bien dominer celui qui pourrait être son père.


Les programmes de gouvernance diffèrent drastiquement dans leur énoncé et ce fut là un écueil pour celui qui fut le troisième président de la troisième République, après feu Zafy et Ratsiraka. Le multimilliardaire qu’était Marc Ravalomanana s’était distingué par sa propension à gouverner le pays seul, comme s’il s’agissait de son empire des produits laitiers Tiko SA. Tutoyant tout le monde, se permettant de convoquer des réunions à l’heure où on se prélasse encore dans son lit, faisant de la Banque Centrale de Mahajanga son gîte d’étape, piquant parfois des colères folles et mettant tout le monde au pas, président qui a le plus terrorisé la population après les exaction de sa milice militaro-civil dont les membres étaient surnommés par la population les « zana-dambo » (fils de porcs) et les incarcérations de centaines d’opposants militaires comme civils, et même de certains opérateurs économiques concurrents. Ravalomanana était ainsi : plus dictateur que démocrate, et aimant gouverner sans partage. Et alors quand il s’est mis lors du débat d’hier à se faire l’ardent promoteur de la décentralisation effective, on ne pouvait que sourire, narquois. On y voyait plutôt l’empreinte de son coordonnateur général de campagne Serge Zafimahova, un proche parmi les proches du regretté ancien président Zafy Albert. On avait la forte impression d’entendre une leçon apprise par cœur, débitée sans grande conviction.


Quant à l’autre candidat Andry Rajoelina, il a affiché le visage d’un jeune homme sûr de lui, se battant pour vaincre, émettant des idées novatrices, et qui, sachant à l’avance qu’il briguerait un jour la dignité de président de la République, n’a pas oublié de laisser ses empreintes lors de son « presque mandat » à la présidence de la transition de 2009 à 2013. De nombreuses infrastructures ont été bâties malgré l’absence des bailleurs de fonds traditionnels, partis dès 2008, alors que Ravalomanana était encore à la magistrature suprême. Son programme jugé par ses détracteurs comme utopique, donne pourtant de l’espérance à de nombreux concitoyens rêvant d’un décollage rapide de l’économie et de résolutions à la vitesse Tgv des maux qui minent la société malgache de façon récurrente depuis toujours : omniprésence de la corruption à tous les niveaux des administrations et dans toutes les composantes de la vie nationale, insécurité généralisée dans les villes mais surtout dans les campagnes, paupérisation incessante semblant dépourvue de toute solution, famine permanente dans le sud mais aussi dans d’autres régions.


Ce choc de générations était captivant à voir puisqu’on n’a pas vu le temps passer. Mais aussi, c’était affligeant de contempler ce vieil politicien presque septuagénaire s’agrippant à un passé désormais résolu, se battant avec l’énergie du désespoir contre un jeune loup en possession de tous ses moyens et qui évolue dans son temps. Tout comme lors du premier tour, la logique voudrait ainsi que le plus fort terrassera le plus faible à l’issue de ce deuxième tour de la présidentielle.


Mais, s’agissant de politique comme de sport, le plus sage serait de ne pas sous-estimer l’adversaire, de prendre leçon des erreurs commises si minimes soient-elles, et surtout de bien préparer le prochain et dernier débat qui se tiendra dimanche prochain toujours au palais présidentiel d’Iavoloha, là même où l’un et l’autre des deux postulants rêvent de diriger la nation dans les cinq années à venir.


Bernard S.